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Fenêtres sur le passé

1869

Les huîtres à Brest

Source : L’électeur du Finistère 1869

  

Les huîtres

 

À Monsieur le Directeur de l’Électeur du Finistère,

 

Monsieur, Je ne viens pas traiter la question des huîtres ;

elle est trop compliquée si on le veut, et bien simple si on le veut encore.

 

Je me bornerai à déplorer la pénurie des huîtres existant sur notre marché depuis trop longtemps !

 

Il est quelque chose de bien étrange ; c'est que, dans une population aussi nombreuse que celle de Brest,

personne n'ose se plaindre de ce que depuis plusieurs années notre cité maritime soit privée d'huîtres,

et qu'il n'existe sur notre marché que trois marchandes ayant le droit d'en vendre.

 

Malheureusement les huîtres en vente, quoique parquées, sont d'un prix trop élevé pour leur qualité,

et sont pour la plupart vaseuses.

 

Il ne faut pas craindre de le dire bien haut : à l'heure qu'il est, et depuis nombre d'années,

les Brestois ne peuvent plus manger d'huîtres, et cela depuis que des savants,

sous prétexte que les huîtres diminuaient, ont décidé que les bancs étaient épuisés,

et qu'il fallait absolument les laisser reposer pour qu'ils pussent se repeupler.

Eh bien ! cette paternelle sollicitude pour les huîtres est cause

que depuis bien des années notre population en est privée et pleure ce bon vieux temps où il y avait des huîtres pour tout le monde.

 

Et cependant tous les Brestois, pleins de confiance dans les lumières des savants pisciculteurs, ont attendu avec la plus grande patience l'heureux résultat promis par eux.

 

Hélas ! leur attente a été trompée, et quoique les huîtres

aient dû être scrupuleusement respectées dans leur léthargie,

nous sommes encore à nous demander à Brest

quand nous les verrons reparaître sur notre marché.

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Nous déplorons vivement ce qui se passe aujourd'hui, et nous nous étonnons de ce que les marchandes de Kerhor

et autres ne peuvent plus vendre d'huîtres.

 

Pourquoi le monopole de cette vente n'est-il permis qu'à trois marchandes seulement ?

 

Nous trouvons qu'il y aurait toute justice à rendre aux riverains le droit de vente qu'ils avaient autrefois.

 

Le désir que nous exprimons ici est, nous en sommes certains, partagé par toute notre population.

 

En effet, au moment où les vivres sont si chers, la vente plus étendue des huîtres serait une grande ressource

pour les consommateurs.

 

S'il est vrai que quelques bancs en regorgent, il est bien naturel que nous désirions voir bientôt cesser la pénurie

où nous sommes,

« Une bien grande vérité : c'est que jamais et en aucun temps les huîtres n'ont manqué à Brest,

et qu'elles n'ont disparu que depuis qu'on s'est occupé de leur accroissement ! »

 

De tout ceci on doit conclure, ou que nos savants de Paris et autres, malgré leurs bonnes intentions,

ont fait fausse route et n'ont pas réussi, ou que semblables aux avares,

ces savants en agissent avec les huîtres comme ceux-ci avec leur or,

c'est-à-dire qu'ils les gardent pour eux et préfèrent les voir mourir de vieillesse

plutôt que de nous faire jouir du fruit de leurs travaux.

 

Il faut le dire enfin, tout le monde murmure à Brest contre un pareil état de choses,

parce que les Brestois et les riverains sont trop cruellement atteints par les règlements maritimes.

 

Je vous soumets ces réflexions, monsieur le Directeur, et serais bien heureux si mes observations accueillies

dans votre estimable journal faisaient cesser les rigueurs qui empêchent la vente générale

des huîtres sur notre marché.

 

Daignez agréer, monsieur le Directeur, l'assurance de ma considération la plus distinguée.

 

Un de vos lecteurs

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