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Fenêtres sur le passé

1887

Départ des sœurs et arrivée des institutrices
dans les écoles laïques de filles de Morlaix

Une manifestation cléricale à Morlaix.jpg

Source : La Dépêche de Brest 6 mai 1887

 

Samedi dernier, à 5 heures du soir, a eu lieu la manifestation des pères de famille chrétiens de Morlaix, annoncée par la Résistance à l'occasion du départ des sœurs, qui cessaient ce jour-là leur service scolaire à l'école du Poan-Ben laïcisée, suivant arrêté préfectoral.

 

Cette burlesque comédie, si bien préparée d'avance par la coterie clérico-monarchiste et le clan des bigotes des paroisses réunies pour la circonstance, est loin d'avoir tenu les promesses affriolantes du programme Pénel.

 

Une escorte de badauds et de gamins ;

quelques gardes nobles avec ou sans blason dont un ambassadeur pour de bon (on devine lequel), des dévotes de haute volée (une délégation sans doute, car elles étaient peu nombreuses, bien que de haute allure), au milieu enfin, flanquées de petites filles avec des bouquets blancs, les pauvres expulsées, mêlant leurs pleurs (assez discrètes) aux gémissements affectés de l'entourage :

Telle est, dans son ensemble, la mise en scène de ce défilé par la rue des Bouchers et la rue basse Saint-Mathieu.

Les soutanes noires du clergé agrémentaient les blanches robes des filles du Saint-Esprit.

 

À Saint-Mathieu, bénédiction solennelle, allocution du curé, où le cœur de Jésus, le cœur meurtri des religieuses expulsées, et celui des petites filles violemment arrachées du giron de leurs bonnes maîtresses s'entremêlaient pittoresquement comme d'ingénieuses fleurs de rhétorique sacrée !

 

Sortie de l'église ; éparpillement général.

Le soir, tour de ville des sœurs promenées par petits groupes pour compléter l'effet de la manifestation.

 

Et c'est tout ! Absolument tout !

— Pas une véritable mère de famille au cortège, pas de pères de famille surtout.

Ils ont absolument faussé politesse au programme, estimant sans doute que toute cette catégorie larmoyante n'avait aucun rapport avec les intérêts sacrés de leur petite famille, et qu'il ne convenait pas à de braves ouvriers de faire le jeu de la gentilhommerie bien-pensante en train de se donner en spectacle à la population dans une aussi ridicule sortie.

 

C'est que le peuple sent bien, avec son gros bon sens, où tendent toutes ces manifestations et ces singeries hypocrites ;

il sent bien que tout autre est sa cause et celle de cette caste arrogante qui méprise l'ouvrier comme le paysan, et n'a qu'une rage au cœur, celle de sentir s'évanouir son antique domination, qu'un seul désir, celui de ressaisir son influence néfaste par les moyens les moins avouables.

La sortie du 30 avril ne sera, dans ce sens, qu'un fiasco grotesque et dont la réaction doit se mordre les doigts...,

Trop tard.

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Les écoles laiques de filles à Morlaix.jpg

Source : La Dépêche de Brest 7 mai 1887

 

Les institutrices laïques étaient arrivées samedi soir, au nombre de cinq.

Lundi les classes commençaient avec les nouvelles maîtresses :

450 enfants étaient présents.

Le lendemain, mardi, la commission municipale des finances et celle des travaux se réunissaient à l'école de Poan-Ben pour aviser aux mesures à prendre en vue de la création d'un cours secondaire de jeunes filles.

On constatait, ce jour-là, la présence de 326 filles à l'école primaire et de 277 enfants à l'école maternelle, soit en tout 603 élèves.

Les sœurs en comptaient 800 environ, effectif réel.

 

Le résultat était fort beau, comme vous le voyez, pour le second jour.

Le nombre des institutrices étant insuffisant, on va en demander d'autres.

On espère qu'à la fin de la semaine le nombre des élèves sera de 700.

 

Faites-vous une idée maintenant de la tête des manifestants.

 

On n'en voit plus en ville : tous terrés.

Mais on quête ferme à domicile pour ces pauvres sœurs chassées de leur maison, etc., etc.

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