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Fenêtres sur le passé

1920

L'isolement des tuberculeux

Source : Le Courrier du Finistère février et avril 1920

 

L’isolement des tuberculeux

 

La tuberculose est une maladie contagieuse.

 

C’est un principe à poser tout d'abord.

 

Le tuberculeux est un danger pour la société, un danger particulièrement pour les personnes qui cohabitent

sous le même toit que lui.

 

Mais, si le tuberculeux est un danger, on ne doit pas le considérer comme un paria ;

c'est surtout un malheureux, un malade qu'on doit soigner.

 

C'est une victime, victime de son hérédité, de son ascendance, victime de son milieu, victime de sa misère quelquefois, et, à cette époque, victime de la guerre souvent, de la guerre qu'il contribua à gagner au détriment de sa santé.

 

On a proposé diverses solutions à ce grave problème de la contagion de la tuberculose.

 

L'isolement a surtout été préconisé, isolement dans des hôpitaux spéciaux, cure dans les sanotaria.

 

Mais jusqu'ici ces établissements sont en nombre trop insuffisant pour pouvoir loger même

un dixième des tuberculeux.

 

D'ailleurs, seraient-ils en nombre suffisant, qu'on ne pourrait contraindra les malades d’y entrer ni les familles

à y mettre leurs membres qu'elles préfèrent soigner en dépit de la contagion.

 

Reste l'isolement au sein de la famille, (si ces doux mots peuvent se concilier ;

et ils le peuvent presque toujours on observant certaines précautions).

L'isolement peut se faire et très facilement dans les maisons,

— et ce sont les plus nombreuses même à la campagne, — dotées d'un étage,

ne serait-ce qu'un étage rudimentaire, un grenier au-dessus de la maison principale éclairé et aéré par une vulgaire tabatière.

 

On peut y disposer un lit de fer où couchera le malade.

 

Il aura froid sous le toit, dira-ton.

 

Non pas, si le toit est sans trou et sans fissure, si le lit est suffisamment garni, suffisamment pourvu de couvertures.

 

N'y mettez pas de rideau, à ce lit, sous prétexte de mieux abriter le malade.

 

Les rideaux sont des nids à poussière et à microbes.

 

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D'ailleurs, le tuberculeux n'y est que pour la nuit.

 

Le jour il descendra et sortira le plus possible au soleil.

 

Une chaise longue, pour le repos au dehors, pourra lui être fournie par le dispensaire voisin.

 

Le tuberculeux est isolé plus confortablement, si on dispose, au-dessus du rez-de-chaussée,

d'un étage divisé en chambres.

 

Dans ce cas le malade doit avoir, à part, sa chambre sommairement meublée.

 

Un lit, une table de nuit, une table de toilette : c'est suffisant.

Le lit sera plutôt un lit de fer,

qu'on pourra nettoyer et désinfecter de temps en temps par des lavages

à l'eau de Javel.

 

Surtout, encore une fois,

pas de rideaux ni de tentures.

 

De l'air, de la lumière à flots.

 

Fenêtre ouverte nuit et jour :

le bacille craint l'air et la lumière,

qui lui sont funestes.

À côté de ces maisons qui se prêtent d'une façon, quoique sommaire

à l'isolement, il en est d'autres qui rentrent dans la catégorie des taudis.

 

Il y en a malheureusement encore

un assez bon nombre dans nos campagnes du Finistère.

 

Ceci dit à la honte de leurs propriétaires.

 

Ici le problème est difficile à résoudre.

 

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Comment isoler un pauvre diable dans cette turne où vivent quelquefois dix personnes et où trois

ne peuvent se mouvoir à l'aise.

 

On s'y blottit la nuit dans les lits clos, sans lumière et sans air.

 

La solution la plus pratique serait de faire admettre le malade à l'hôpital, mais le malade et la famille s'y opposent souvent, et il n'y a pas toujours de place à l'hôpital.

 

Alors l'isolement devient tout à fait relatif.

 

Le mieux est de se procurer un lit de fer qu'on installera dans le coin le plus aéré et le plus ensoleillé.

 

Ceci est, une façon de parler; car dans ces taudis la lumière ne pénètre guère.

 

Une seule fenêtre de quelques centimètres, avec peu ou prou de carreaux, l'éclaire seulement, et la porte,

quand elle est ouverte.

L'air vient par ces deux ouvertures et par la cheminée qui est large et vaste.

 

Il me reste à parler des précautions à prendre pour rendre l'isolement efficace.

 

Le tuberculeux et ses crachats

 

L'isolement du tuberculeux ne peut être absolu,

même dans un sanatorium, même dans un hôpital spécial, et,

à plus forte raison, lorsque le malade est soigné à domicile.

 

L'isolement n'est pas emprisonnement ; d'ailleurs un prisonnier

a toujours quelques relations avec le dehors,

ne serait-ce qu'avec son geôlier.

 

Mais, — (je l'ai déjà dit et je le répète). —

le tuberculeux n'est pas un paria,

il vit en société, par la société et pour la société à laquelle

il rend les services compatibles avec son état de santé.

 

N'empêche que cette société, tout en le traitant comme

un de ses membres, doit prendre les précautions nécessaires

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pour se prémunir contre le danger que présente ce contagieux pour ses membres sains.

Or comment le tuberculeux est-il contagieux ?

 

Par ses crachats.

 

Ces crachats sont riches en bacilles de Koch, bacilles de la tuberculose.

 

Chez nous, à la campagne, on a la mauvaise habitude de cracher partout, par besoin ou sans besoin, par manie : mauvaise habitude dont on devrait se débarrasser.

 

Le crachat est toujours sale ; mais, chez un tuberculeux, il devient nocif.

 

Cependant regardez autour de vous, à l'église par exemple.

 

Un individu tousse : il crache par terre, ce peut être et c'est souvent un tuberculeux.

 

Ses voisines ramassent ces crachats empoisonnés, qu'elles emportent chez elles, collés à leurs jupes

où ils se dessèchent.

Or le crachat tuberculeux est dangereux même desséché.

 

Les poussières de crachats sont nocives.

 

Chez lui il en est de même qu'à l'église ; le tuberculeux crache partout,

sur le parquet, sur les brindilles de bois qui serviront à allumer le feu :

il crache dans la ruelle de son lit, contre le mur.

 

Il faut enseigner au tuberculeux (et aussi aux autres)

qu'il ne doit pas cracher ainsi.

 

À son entourage de le surveiller, de le sermonner et de lui donner

le bon exemple.

 

Mais, dira-t-on, il faut bien que ce malheureux crache quelque part.

 

D'accord : mais qu'il crache de façon à ne pas être nuisible.

 

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C'est ici qu'intervient le dispensaire.

 

Le dispensaire fournit des crachoirs, des crachoirs très bien compris, en carton, avec fermoir, qu'on peut brûler contenant et contenu, lorsqu'ils ne peuvent plus servir, et qui, fournis en grand nombre, se remplacent aisément.

 

Mais le dispensaire ne peut en fournir qu'aux personnes qu'il sait en avoir besoin, c'est-à-dire à ses membres,

d'où il s'ensuit que devrait être inscrit au dispensaire quiconque est suspect de tuberculose.

 

Ici il faut distinguer.

 

On est convenu de n'appeler crachats que ce qu'on expectore sous un certain volume.

 

Mais quand nous toussons, quand nous baillons, quand nous éternuons, nous émettons des particules de liquides,

des gouttelettes qui, chez le tuberculeux, sont riches en bacilles de Koch.

 

Nous nous sommes mis à l'abri de la grosse artillerie, je veux dire des crachats proprement dits, grâce aux crachoirs.

 

Comment nous prémunir contre ces mitrailleuses bacillifères que sont les gouttelettes de salive.

 

Il faut d'abord, éviter de se trouver dans le champ de tir.

C'est-à-dire, quand on habite et surtout quand on couche avec

un tuberculeux ou supposé tel, il faut éviter de se mettre devant sa bouche.

 

Le tuberculeux lui-même doit se soumettre à certaines précautions.

 

Souvent, à la campagne on mange dans un plat commun

ou même dans un chaudron placé au milieu de la table,

qui jouant de Ia cuiller, qui de Ia fourchette ou du couteau.

 

Cette pratique n'est pas sans danger.

 

On ignore avec qui on mange : on connaît les visages ;

mais l'état de santé n'y est pas toujours inscrit.

 

Si l'un des convives est un tuberculeux, le plat commun peut devenir

un plat empoisonné.

 

Il serait bon que chacun eût son couvert ;

mais, en cas de tuberculose la précaution devient nécessaire.

 

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Le tuberculeux, en se penchant sur le plat commun, émet des gouttelettes de salive, des particules de crachats,

soit qu'il tousse, soit qu'il cause tout simplement.

 

Il s'ensuit que le tuberculeux doit avoir un couvert, si les autres n'en ont pas.

 

Il doit même avoir son couvert à lui.

 

C'est-à-dire, son ou ses assiettes, sa cuiller, sa fourchette, son couteau, qui ne serviront qu'à lui.

 

Car ces instruments de bouche ne sont pas désinfectés pour avoir été lavés plus ou moins bien, plutôt mal que bien.

Que d'autres s'en servent et ils pourront se contaminer.

 

N'oublions pas le lit.

 

Le lit joue un grand rôle dans la contagion de la tuberculose et toujours à cause des crachats ou des gouttelettes

de salive.

 

Nul ne doit coucher dans un lit où un tuberculeux a passé, ne serait-ce que quelques instants,

si ce lit n'a pas été désinfecté.

 

À plus forte raison nul ne doit coucher avec un tuberculeux.

 

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S'il est marié, son conjoint doit s'éloigner de lui pour la nuit et prendre le jour les mêmes précautions que les autres.

 

La chose est bien difficile : c'est pourquoi deux époux deviennent si souvent tuberculeux l'un après l'autre.

 

Les draps d'un tuberculeux, les couvertures, taies d'oreillers, doivent être l’objet d'un soin particulier :

ils sont toujours imprégnés de salive et par la salive de bacilles.

 

Ils doivent être lavés à part et bouillis préalablement.

 

Il en sera de même du linge de corps.

 

En cas de décès, les vêtements ne doivent être portés qu'après passage à l'eau bouillante ou à l'étuve.

 

Le crachat desséché contenant encore des bacilles vivants, certaines précautions doivent être prises

pour le nettoyage d'une maison.

 

Il ne faut jamais balayer à sec : c'est inutilement et dangereusement déplacer des poussières. (sic)

 

Les parquets et les meubles doivent être essuyés avec un linge mouillé qu'on désinfectera ensuite à l'eau bouillante.

 

Si le parquet est une terrasse, le nettoyage devient à peu près impossible : il vaut mieux ne pas balayer que d'agiter cette poussière et enlever à la main ce qui gêne ou offusque, quitte à se bien laver ensuite.

 

Telles sont les principales précautions à prendre pour se mettre à l'abri de la contagion et rendre l'isolement effectif.

 

Dr QUINTIN.

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