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Fenêtres sur le passé
1932
L'Iroise éteint ses feux
Source : Chronique Brestoise avril 1932
L’Iroise éteint ses feux
Glorieux souvenirs
L’Iroise a éteint ses feux, l'Iroise a reçu
l'ordre de désarmer, de la Société Française Maritime.
Devra-t-il rejoindre ses congénères au cimetière maritime de Roscanvel ?
L’Iroise, on le sait, est un remorqueur de sauvetage.
L'Iroise est notre bateau de sauvetage.
Il fut brise-glace, de 1911 à 1924.
De 1924 à septembre dernier il fut commandé par l'intrépide marin, héroïque sauveteur,
le commandant Malbert, natif de Saint-Quay-Portrieux, capitaine au long cours, vrai loup de mer, vrai Breton.
Le commandant Malbert a pris aujourd'hui une retraite bien gagnée, mais non inactive.
L'ancien capitaine de l’Iroise est en effet directeur des chantiers Gourio, au Port de Commerce.
Le remorqueur a bon fond.
Il tient le coup.
Au large d'Ouessant, un navire en détresse, demande du secours.
Les chenaux dangereux ont été passés.
Les courants vaincus.
Mais le Fromveur, le furieux Fromveur est indomptable.
Malbert conserve son calme et, par d'habiles manœuvres, il dirige son bateau dans l'enfer de vagues et de mugissements.
Victoire !
Le Fromveur est passé.
Le navire en détresse apparaît démâté, déponté, lamentable.
Quelques formes humaines agrippées au bastingage, semblent inertes.
L'Iroise s'est faufilé par les brisants et les écueils et s'est approché du vapeur.
Il lui passe des cordages pour le remorquer vers le salut.
Tout va bien.
Lentement, le chef mécanicien Flavius fait machine arrière.
De son bureau il peut assister (oh! certainement pas impassible!),
il peut assister aux sorties du bateau qu'il commandait encore
il y a quelques mois.
L'Iroise a effectué 68 sauvetages de navires.
Existe-t-il sur les côtes de France ;
une station de bateau de sauvetage qui ait à son actif
un palmarès plus éloquent ?
Dire que ces marins qui, au péril de leur vie, se portent spontanément au secours des naufragés, sont des braves, des héros : c'est bien peu.
Nous les admirons...
et nous nous taisons devant leur mérite immense.
La tempête s'est déchaînée.
Le vent mugit.
Ciel et mer sont en effervescence.
La fureur agite les éléments.
La mort plane.
L’Iroise vient de capter un S.O.S., un lugubre S.O.S.,
qui fait gonfler le cœur des rudes marins.
Mais il faut partir.
Larguez tout !
Et le solide remorqueur s'élance sur les flots déchaînés.
Le Goulet est franchi.
La mer se fait plus mauvaise.
On fait demi-tour.
Tout à coup la mer se soulève et, dans un fracas épouvantable,
les deux navires se cognent, s'entrechoquent, s'entretuent.
Un marin a été enlevé du pont par une lame.
Il a disparu.
Un grain violent qu’il faut laisser passer, survient et ajoute à l'horreur.
Puis tout se tasse.
Hélas! La remorque a été brisée, il faut recommencer, dix fois, vingt fois.
Après d'innombrables, d'inimaginables efforts, l’Iroise, remorquant le navire sauveté, accoste au 2e bassin.
Et Malbert, souriant félicite son équipage exténué, rompu.
Combien de fois s'est renouvelée cette odyssée ?
Tournons les pages du livre de bord.
En 1925, le 1er janvier, 4 mois après sa mise en service, l’Iroise reçoit un S.O.S. du cargo Dahomey
qui se trouve désemparé dans les parages de Groix.
Après 3 jours d'efforts inouïs, l’Iroise ramena le Dahomey dans notre port.
En novembre de la même année l’Iroise sauve le vapeur grec Dimitrios Dogiazides
qui donnait une bande inquiétante, à 90 milles de Brest.
Le 14 suivant, il déséchoue le vapeur péruvien Himascaran.
Le 19, il ramène à Brest l'Amazon qui s'en allait à la dérive depuis 3 jours.
Le 24, il appareille et rejoint le vapeur italien Goldoni.
Le lendemain il se porte au secours du paquebot Amiral Ponty, etc., etc .
Après le sauvetage de l'équipage du vapeur danois Hélène, l'équipage de l’Iroise avait été récompensé
par sa S. M. le roi de Danemarck.
Le commandant Malbert avait été fait chevalier de l'ordre du Danemarck et décoré de la croix de cet ordre par
M. de la Ménardière, vice-consul du Danemark à Brest.
Le capitaine Nicolas avait reçu de précieuses jumelles,
et des étuis à cigarettes en argent avaient été offerts
au chef mécanicien Flavius, qui a connu une mort si tragique lors du naufrage du Saint-Philibert ;
au maître d'équipage Piram, aux sans-filistes Le Hunsec
et Masson, aux matelots Drévillon, J. Gourlay, Perhirin,
au premier chauffeur Le Gall, aux chauffeurs Baron, G. Gourlay, Francés, A. Masson, Jean Masson, Héliès, au cuisinier Cariou,
au novice Lescop, au mousse Perchoc.
En 1929, l’Iroise sauva sept navires.
Vingt heures avant que la nouvelle de désarmer l’Iroise fût parvenue à M. Ponthou, agent de l'U. F. M., à Brest,
nous avions été reçus à bord de l’Iroise par le sympathique successeur de M. Malbert : le commandant Trifol.
Curieuse coïncidence !..
L'équipage de l’Iroise est composé de 24 hommes, commandés par M. Trifol, ayant pour second, M. Nicolas.
Ce sont :
chef mécanicien Jean Cornec ;
second-maître mécanicien, Jean Quéré ;
troisième-maître mécanicien, Alphonse Mercier ;
radiotélégraphistes, Joseph Le Hunsec et Jean Masson ;
matelots, Pierre Renault, Jean Le Gall, Jean Colin, Yves Francés, Arthur Louédoc, François Kermandec, Pierre Morvan, Yves Autret, Auguste Bars, Auguste Drévillon, Joseph Page, Jean Guillou, Claude Hélies, Eugène Perchoc, Henri Guéguen, Jean Gourvellec et Jean Baron.
Il a sauvé en sept ans 68 navires.
Ces hommes qui sont des héros sont des modestes.
Chronique Brestoise les prie d'agréer ses plus vives félicitations.
G .G