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Fenêtres sur le passé
1938
Grands travaux à Ouessant
- Article 3 sur 3 -

Source : La Dépêche de Brest 24 août 1938
On est fier à Ouessant du phare du Créach.
— La portée de son rayon, dit M. Latour, était de 31 milles avec l'ancienne lanterne, celle que l'on vient de démonter.
Mais il s'agit là d'une moyenne établie après un nombre considérable d'observations.
— Et quelle sera la portée nouvelle, une fois les installations en cours terminées?
— Ce qui est certain, c'est quelle sera supérieure à celle jusqu'à présent obtenue.
Mais il est impossible, sans risquer d'erreur, de fixer un chiffre.
Le Créach disposait d'un dispositif optique très puissant, avons-nous dit, avec ses 20.000.000 de bougies
en temps clair et ses 30.000.000 de bougies par temps brumeux.
Le matériel qui va désormais être employé, utilise quatre arcs intensifs à courant continu, consommant chacun
une intensité d'environ 500 ampères, sous une tension de 100 volts, soit environ 50 kw par arc
et 200 kw pour l'ensemble.
La lanterne comporte deux étages.
À chaque étage se trouvent deux arcs éclairant chacun deux panneaux d'optique,
si bien que chaque étage fournit quatre pinceaux lumineux.
L'ensemble permet aux navigateurs d'apercevoir toutes les 10 secondes deux éclats lumineux d'une durée de 2/10
de seconde environ, séparés entre eux de deux, trois secondes.
La puissance du faisceau lumineux sera voisine de 500.000.000 de bougies, ce qui représente un record.
Notons aussi que l'ensemble de l'optique et des lampes représente un poids total de 36 tonnes,
y compris les plateformes.
Avec la lanterne on arrive à 75 tonnes.

— Le cœur de toute notre usine est là, dans ce bâtiment provisoire, reprend M. Latour.
La centrale électrique, qui alimente le Créach et Nividic, la tour solitaire — puisqu'aussi bien son feu fonctionne
sans gardien.
« La centrale actionne aussi le radio-phare auquel vous faisiez allusion dans votre premier article. »
L'ensemble de cette centrale est une merveille de la science.

Ces gigantesques tableaux de marbre blanc, avec leurs yeux cernés de cuivre et leurs manettes brillantes,
sont d'une étrange et sévère beauté.
— « Tenez, nous avons eu cette nuit même une petite panne.
Le volant d'une machine s'était brusquement coincé.
Tout était remis en marche en 5 minutes à peine.
D'ailleurs nos installations sont doubles presque toutes.
C'est une sécurité indispensable.
« Le radio-phare marche avec une batterie d'accumulateurs de 1.000 ampères-heure,
elle-même chargée par une dynamo Gramm ou un moteur Renée.
— « Et vous vous plaisez bien ici, M. Latour ?
— « Moi ? J'adore mon métier. » Tout cela est dit sur un ton si simple...

Les travaux d'installation de la nouvelle lanterne seront extrêmement délicats.
Il y aura dans cet ensemble des pièces de 4 tonnes, indivisibles, et qu'il faudra monter à 48 mètres.
L'ancienne lanterne mesurait 8 mètres de hauteur, la nouvelle: 16 m. 50.
Ces quelques chiffres permettent de se faire une idée exacte de la difficulté d'un telle réalisation,
d'autant plus que tout le matériel sera hissé à l'extérieur de la tour, à l'aide de grues.
Il faudra alors tenir compte du vent et Dieu sait si le vent souffle là-bas...
Les travaux, exécutés sous la haute direction de M. Quéméneur, ingénieur des travaux publics,
assisté de nombreux collaborateurs, dont M. Auffret, adjoint technique des ponts et chaussées,
ont été confiés en grande partie à l'entreprise Marc.
M. Le Guen, conducteur de travaux, estimait hier qu'il ne faudrait pas plus d'un mois ou d'un mois et demi
— si le temps restait favorable — pour en finir avec la maçonnerie.

Il a été nécessaire d'employer des ouvriers très qualifiés.
Il faut rendre ici hommage à tous ceux qui auront contribué à la réalisation de cette œuvre splendide.
Créach d'Ouessant (latitude nord 48° 27' 35". Longitude ouest 5» 7' 47") va renaître, plus grand, plus puissant encore.
Et comme je retournais au Stiff, où était mouillé l' « Enez Eussa », que commande un marin de haute classe,
le capitaine Penaud, j'ai rencontré M. Breton, maire d'Ouessant:
— « Eh bien ! Vous avez vu ce que l'on fait là-bas ? me dit-il.
N'est-ce pas prodigieux ?
C'était vrai.
P.-M. LANNOU.