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Fenêtres sur le passé

1939

Une famille de Roscoff sous des oignons à Glasgow

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Source : La Dépêche de Brest 27 janvier 1939

 

« Une famille sous des oignons ».

Tel est, à peu près, le titre d'un reportage que nous venons de trouver dans un numéro du journal anglais

The Sunday Post, que nous avons cru intéressant de traduire et de présenter à nos lecteurs, sans autre commentaire, sauf toutefois que l'auteur, quand il rapporte les propos de nos compatriotes,

remplace le désespérant « the » par ze ou zee...

 

Laissons donc la place à notre humoristique et sympathique confrère:

 

— Ces oignons ! dit Joseph Le Bras, avec un sourire extatique et un geste expressif, exquis !

Les meilleurs dans le monde entier.

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Il étendit la main, qui fit le tour de la plus étrange maison d'habitation qui eût jamais frappé mes yeux.

 

C'était un intérieur sombre qui, autrefois, avait servi de boutique.

 

Des amas d'oignons, liés ensemble, jonchaient, partout, le plancher.

Dans un coin, des sacs d'oignons.

Du plafond tombaient, partout, des grappes d'ail.

Le tout vaguement éclairé par un globe électrique décoré d'une branche de gui.

 

Dans la pénombre du fond de la boutique, on pouvait voir, sur une table rustique, quelques provisions de bouche.

Un poêle à charbon se trouvait auprès.

Par la porte, entre-baillée, d'une petite chambre, autrefois bureau, je distinguais un ou deux lits.

 

C'est là que, pendant six mois de l'année, vivent Joseph Le Bras, le vendeur d'oignons breton, sa femme,

Françoise et leurs quatre enfants.

 

Et ceci se trouve à Pailey-Road, Glasgow.

 

Vous pouvez avoir vu les vendeurs d'oignons, roulant à bicyclette autour de la Cité, d'immenses « chapelets » d'oignons pendant à leurs machines, allant de porte en porte et se présentant aux ménagères :

« Quelques oignons aujourd'hui ? »

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LE RETOUR A LA BELLE BRETAGNE

 

— Oui, dit Joseph, avec mélancolie, c'est une rude vie...

Mais, — il haussa les épaules avec résignation et étendit les bras d'un geste vague.

— Nous aimons ce pays. Nous vendons beaucoup d'oignons ; mais le...

— Comment dites-vous ? Le climat... Le climat... Le brouillard.

Il toussa et se prit la gorge :

— Dans chaque maison, où nous passons, il y a quelqu'un de malade !

Mais, la semaine prochaine, nous repartons pour notre belle Bretagne.

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Rêveur, il regarda autour de lui.

Et Joseph ne vit plus ni la chambre sans confort ni le brouillard de Glasgow.

Ce qu'il voyait, c'étaient les champs et les jardins de la Bretagne ensoleillée où croissent les oignons.

 

— Ces oignons, — il se retroussa brusquement la moustache,

— les plus beaux du monde, sont récoltés à la ferme de ma mère, à Roscoff.

Nous les amenons en Angleterre, en cargo, avec plusieurs de nos cultivateurs, pendant cinq ou six mois.

Nous sommes la seule famille bretonne à Glasgow.

— Ma femme, Françoise.

— Bonjour m'sieur (en français dans le texte), dit Françoise.

— Les enfants : Marie, le petit François et Anna.

Les enfants sourirent timidement.

 

— Nous avons encore une fille de 18 ans.

Elle est encore dehors, à bicyclette, faisant sa tournée de vente.

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M. et Mme Le Bras sont tous deux d'un âge moyen, sveltes, le teint hâlé par les intempéries.

 

Madame, portant un surtout et un béret noirs, reste à la maison, le plus souvent, à lier les oignons en « chapelets ».

 

Quelquefois, elle va aussi vendre, mais à pied, poussant sa bicyclette.

Elle ne parle que quelques mots d'Anglais.

 

Un amas de paille se trouve auprès d'elle.

Des paquets de raphia sont accrochés au mur.

Elle prend quelques longues pailles, un oignon, quelques souples fibres de raphia, et l'oignon est solidement fixé.

Elle continue l'opération pour une douzaine d'oignons qui se trouvent ainsi liés en chapelet.

 

Madame me montre un lien de raphia et le casse :

« No bon, no strong », ajoute-t-elle en le rejetant.

 

— Les affaires ont été bonnes, cette année, remarque Joseph.

Nous restons plus longtemps que d'habitude.

 

Madame, toujours occupée à lier ses oignons, soupire, et dans un torrent de Français.

— C'est pour les enfants, expliqua Joseph avec un sourire indulgent.

Ils sont encore en route.

Vous comprenez.

 

... Il haussa les épaules et étendit les mains.

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