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Fenêtres sur le passé
1940
La voiture électrique d'un Morlaisien
Source : La Dépêche de Brest 24 septembre 1940
On a beaucoup parlé ces temps derniers, dans la presse, en raison de la pénurie d'essence, de la voiture électrique.
Il était donc logique que l'idée nous vint d'aller Interviewer un de nos concitoyens, M. Lavanant, électricien, au Moulin du Prieuré, à Traon-ar-Velin, que nous voyions circuler depuis longtemps dans nos rues, au volant d'une automobile qui se signalait à l'attention de tous par le silence absolu de son moteur.
M. Lavanant, qui nous a très aimablement reçu, nous a présenté la nouvelle voiture électrique qu'il vient de terminer.
Il a utilisé, à cet effet, un vieux châssis de 201 Peugeot, dont il a conservé la boîte de vitesse et le pont arrière, et où il a simplement remplacé le moteur à essence par un moteur électrique de 5 CV, sous 60 volts, voltage qui peut d'ailleurs être modifié.
Pour actionner son moteur électrique, il utilise actuellement des batteries d'accumulateurs — 14 batteries de 6 volts chacune — de 75 ampères-heure.
La manœuvre de cette voiture électrique est la même que celle d'une automobile ordinaire mais sa conduite est beaucoup plus agréable et plus souple.
Pour démarrer, il suffit d'appuyer sur l'accélérateur qui fait fonctionner un rhéostat.
Celui-ci met alors le moteur électrique en marche.
Le conducteur du véhicule peut utiliser trois vitesses et une marche arrière mécaniques, ainsi que deux vitesses électriques supplémentaires.
Ces deux dernières vitesses lui permettent d'employer ses batteries d'accumulateurs, à volonté, sous 42 ou sous 84 volts.
Cela revient à dire qu'en allant deux fois plus vite, il dépense deux fois plus de courant électrique.
Le rayon d'action de la voiture est donc fonction de sa vitesse.
Nous avons eu le plaisir de prendre place dans l'automobile de M. Lavanant et nous avons pu constater qu'elle montait la rude côte de la rue Gambetta avec la plus parfaite aisance.
M. Lavanant, qui a construit sa première automobile électrique il y a près de huit ans, bénéficie d'une longue expérience.
Pour lui, il n'a Jamais été question de recharger ses batteries d'accumulateurs autrement que par une simple prise de courant.
Il compte, cependant, remplacer les Batteries d'accumulateurs qu'il a montées lui-même — car il est spécialiste en la matière par des batteries de traction de 200 ampères-heure, sous 60 volts, soit 10 batteries de six volts chacune, que la maison Fulmen vient de mettre au point.
Sa voiture pourra alors transporter une charge utile de 500 kilos, dans un rayon de 80 kilomètres, à une vitesse moyenne horaire de 30 kilomètres.
M. Lavanant envisage encore de construire une autre automobile avec un châssis spécial très léger et une boite de vitesse plus petite.
Ce modèle perfectionné et plus économique pourrait avoir un rayon d'action de 120 kilomètres, en utilisant un voltage plus bas.
« Il importe, nous a déclaré M. Lavanant, en raison des circonstances actuelles, d'utiliser par tous les moyens la force hydraulique dont nous disposons en Bretagne.
La voiture électrique nous en fournit l'occasion.
« Je possède chez moi, au bord de la rivière le Queffleut, deux turbines installées l'une au lieu-dit le « 20-100-O », l'autre au Moulin du Prieuré.
« Ces turbines me fournissent de l'électricité à bon compte et une simple prise de courant me permet de recharger mes accumulateurs.
« Lorsque je circule en automobile, mes seules dépenses consistent dans l'amortissement de mes installations et de mon matériel et dans l'achat d'un peu d'huile.
« C'est pratiquement rien quand on songe aux ennuis de toutes sortes et aux entraves dont souffre le commerce par suite du manque d'essence.
« En Bretagne, où les chutes d'eau sont nombreuses, tous les industriels, meuniers, fermiers même, qui peuvent bénéficier des bienfaits de la force hydraulique, devraient adopter l'automobile électrique qui leur permettrait de poursuivre normalement leur travail et de circuler sans avoir besoin d'être titulaires de permis spéciaux.
« Une prise de courant leur suffirait pour recharger en cinq heures les dix batteries de 200 ampères-heure, sous 60 volts.
« Ces batteries peuvent se placer sous le siège du conducteur de tout véhicule électrique, quel qu'il soit.
Elles sont suffisantes pour assurer la bonne marche d'un autocar devant circuler sur de petites distances, comme, par exemple, celles qui séparent Morlaix des localités du canton et même de l'arrondissement.
« Enfin, il ne faut pas oublier que le gazogène et, à la rigueur, la machine à vapeur, peuvent remplacer la chute d'eau pour fournir le courant électrique de manière à ce que le kilowatt ne revienne pas cher. »
Nous verrons, dans un prochain article, comment M. Lavanant envisage l'utilisation, à un prix réduit, du courant du secteur pour les propriétaires de véhicules électriques qui n'auraient pas à leur disposition d'autres moyens de recharger leurs accumulateurs.
Source : La Dépêche de Brest 25 septembre 1940
Nous avons vu, dans un précédent article comment toute personne, disposant chez elle de la force hydraulique et même d'un gazogène ou, à la rigueur, d'une machine à vapeur, peut utiliser, très économiquement, l'automobile électrique, au moment où la pénurie d'essence se fait lourdement sentir dans toutes les branches du commerce.
S'il est vrai que, dans l'état actuel des connaissances, rien ne peut remplacer le moteur a essence pour les longs voyages, il est également certain que, pour les transports à petites distances, la voiture électrique présente d'énormes avantages.
Ces avantages persistent-ils, lorsqu'il devient nécessaire de recharger les batteries d'accumulateurs, au moyen du courant du secteur ?
Voilà la question que nous avons posé à M. Lavanant, et voici ce qu'il nous a répondu.
« Les batteries d'accumulateurs se rechargent, en utilisant le courant du secteur, au moyen d'une simple prise de courant, mais, pour transformer le courant alternatif en courant continu, il faut se servir d'un chargeur spécial adapté au voltage des batteries.
« Je suis persuadé qu'en utilisant ainsi le courant du secteur, la dépense, au kilomètre, ne dépasserait pas le prix de l'essence, tel qu'il était pratiqué au mois de mai dernier.
« Le premier achat des batteries et du chargeur est, certes, assez élevé, mais la somme ainsi engagée serait récupérée par le long usage que l'on peut faire des appareils et par les grands bénéfices que l'on peut en tirer à l'heure présente.
« Par ailleurs, les compagnies d'électricité auraient intérêt à permettre aux propriétaires de véhicules électriques de recharger leurs accumulateurs à certaines heures de la nuit, en leur appliquant le tarif « force », qui est bien inférieur au tarif de ville.
« Pour les transporteurs, circulant sur de petites distances, et pour les voyageurs de commerce, l'utilisation de l'automobile électrique est particulièrement intéressante.
« Un voyageur de commerce veut-il effectuer sa tournée dans une voiture électrique ?
Il emporte avec lui son chargeur qui est généralement peu encombrant.
« Ses batteries d'accumulateurs chargées au départ lui permettent d'effectuer sans s'arrêter de 80 à 100 kilomètres.
Après avoir parcouru cette distance il a, dans telle ville, sa clientèle à visiter.
Pendant ce temps, ou bien tandis qu'il se trouve au restaurant ou à l'hôtel, il fait recharger ses accumulateurs, et paye sa charge de batteries, comme II aurait payé l'essence, puis il poursuit son voyage.
Il peut faire de longs déplacements sans perte de temps, ni d'argent, en vérifiant ainsi, à chaque étape, l'état de ses accumulateurs. »
M. Lavanant n'est pas partisan de l'utilisation des batteries de rechange, d'abord à cause du travail que cela donne et aussi parce qu'il est trop facile d'échanger des batteries neuves contre des batteries en mauvais état et inversement.
M. Lavanant, qui est très connu dans notre région, a reçu, au sujet de la voiture électrique, de nombreuses demandes de renseignements.
À son avis, si ce mode de locomotion ne s'est pas déjà considérablement répandu, c'est parce qu'il est difficile, quant à présent, de se procurer des moteurs électriques appropriés.
Mais, plusieurs maisons françaises ont entrepris la fabrication de ces moteurs, avec lesquels on pourra équiper bientôt de nombreux véhicules.
La traction électrique peut être appelée à rendre de grands services en Bretagne où les foires et marchés qui sont fréquents et importants ne nécessitent généralement que de petits déplacements de la part des fermiers, des cultivateurs ou des commerçants.
Pour lui donner son plein essor, il faudrait arriver à capter l'énergie électrique, à distance, sur un appareil spécial monté sur la voiture et pourvu d'un compteur.
Mais ceci est une autre histoire et nous ne sommes pas encore là !...