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Chroniques d'un monde paysan à jamais disparu
Louis Conq de Tréouergat raconte ...
Source : "Les échos du vallon sourd" de Louis Conq - Brud Nevez
Remerciements à Lucien Conq
Billet de sortie dans le vieux Brest
Une grande nouveauté !
Le Magasin Monoprix s’est installé dans la rue de Siam, et avec son entrée libre.
C’est la première fois que nous découvrions un escalier roulant.
Quel plaisir !
Arrivé sagement en haut, « dipa-dapa » :
On redescendait par l’escalier en ciment, bousculant parfois les gens, pour remonter à nouveau par l’escalator.
Et cela jusqu’au moment où quelque surveillant du magasin, ayant surpris notre petit manège,
nous fît déguerpir après avoir pincé l’oreille de l’un d’entre nous.
J’aimais beaucoup aller me balader, mon billet de sortie en poche,
à travers le vieux Brest jusqu’au Petit-pont sur la Penfeld,
sous le Grand Pont Tournant.
C’était un ponton flottant pour les piétons.
Il se balançait toujours, plus ou moins mollement, selon la houle.
C’était très intéressant de regarder les deux plus longs pontons
se séparer, dessinant chacun un quart de cercle,
pour laisser passer un remorqueur.
Curieux aussi de voir la Grande Grue soulever des wagons entiers pleins de marchandises.
Le vieux Brest, avant-guerre, a fait vraiment mes délices.
À l’arsenal, c’était les mugissements de tonalités différentes émises par les cornes des navires,
ainsi que toutes sortes de bruits de ferraille.
Dans les rues, il en était de même, avec des charrettes en tous genres et des chars à bancs.
Tous les matins, on voyait et on entendait les carrioles des laitières, les voitures de la Brasserie de Kérinou
tirées par deux chevaux en parallèle, secouant au trot les grelots de leurs colliers.
La petite baladeuse de la poissonnière hurlait d’une voix stridente :
« Maquereaux pour frire ! »
Je restais un certain temps assez perplexe, car j’entendais :
« Ma-que-reaux pourris-is ! »
Ce qui m’étonnait toujours, car sa marchandise semblait être très prisée.
Toute cette vie de la rue montait jusque dans notre classe.
Spécialement lorsque la fenêtre était grande ouverte.
On pouvait deviner tout ce qui se passait à l’extérieur.
Voici le marchand de journaux :
« L’Ouest-Éclair ! Le Petit-Breton-on ! »
Puis, encore un autre à la voix légèrement plus aiguë :
« La Dépêche ! La Dé-pê-êche ! »
Tode francisait ici, au moins par moments, même le « Kerné »,
le chiffonnier :
« Marchand d’pillou-ou ! … »
De temps en temps, vous vous en doutez, toute la classe se mettait à rire tout fort,
le maître et son jeune petit monde, aux drôleries des brestois : les « P’tits Zefs ».