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Il était toujours joyeux, chantait comme son moulin

dans la douce vallée.

O va doue benniguet

Pebez torrad filiped!

Peoh! Hoaz e vo

Ma chom ar re goz beo

(O Dieu béni quelle couvée de moineaux ! Paix !

Il y en aura d'autres si les vieux restent en vie.)

Et il riait Per Terrom !

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Son rire, on eût dit un gargouillis sonore, strident, dont l'écho se répétait moult fois en aval, en amont.

Toujours des plus serviables, il était aimé de tout Plouguin.

Son travail, il le faisait à merveille.

Comme tout meunier qui se respecte, il avait plusieurs tours dans son sac.

Quand survenait quelque chose d'insolite, les vieux accusaient Paotred ar Zabad, mais les jeunes disaient :

« C'est un coup de Per Terrom ».

Il était au mieux avec son propriétaire le seigneur de LESVENN, très brave, mais gérant mal ses affaires,

souvent à court d'argent.

La distraction principale du meunier : la chasse !

Il en était devenu, dans tout le canton, le champion incontesté.

À toutes les veillées, même à Guipronvel et à Portsall, on racontait ses prouesses :

Dimanche, il a pris dix lièvres, douze lapins et trois renards.

Il ne court pas après le gibier, Pr Terrom.

Il l'attend dans un coin en fumant la pipe.

Il doit jeter un sort sur les bêtes.

Ce n'est pas possible autrement.

Le seigneur de Lesvenn, lui, avait trop bon cœur pour être jaloux.

Au contraire il était tout fier de son meunier.

Un jour, pour être précis, c'était le Mardi gras, fit annoncer qu'il viendrait déjeuner au château de Lesvenn,

un seigneur de Saint-Pabu.

J'ai eu envie de changer, de dire qu'il venait d'ailleurs.

Ça me fait de la peine d'entendre chaque fois qu'il arrive un coup dur à Plouguin :

« C'est de la faute de quelqu'un de Saint-Pabu. »

Il est vrai que l'inverse se réalise également.

C'est seulement pour choisir de jolies filles que d'un côté comme de l'autre on ne regarde pas les frontières.

-- Foutré ! dit le seigneur de Lesvenn, je n'ai rien dans mon garde-manger. Je vais voir Per Terrom.

-- Ah ! vous tombez rudement bien, Monsieur.

Une bande de perdrix vient de passer. Un coup de fusil et vlan ! dix-huit par terre ! Prenez-les.

-- Ah ! mais je te les paie.

-- Pas question!

Dans une heure, une autre bande passera et j'en fais mon affaire ! "

 

Le seigneur de Saint-Pabu, glouton, se régala.

Celui de Lesvenn lui raconta la chasse prodigieuse de son meunier.

Quand, l'estomac est plein, le cœur se dilate.

Le seigneur de Saint-Pabu, n'était qu'un ogre sans pitié.

Pas étonnant qu'il fût honni de tous ses sujets !

Il fronça ses noirs sourcils :

« Vous avez des dettes très lourdes à mon égard, monsieur.

Si j'alerte la justice vous êtes ruiné.

Moi aussi, je suis bon chasseur mais si je ne prends plus beaucoup de gibier, c'est que ce manant,

ce vaurien de meunier le massacre.

J'exige, monsieur, j'exige que ce meunier quitte à jamais, dès ce soir, votre moulin.

À bon entendeur, salut ! »

 

Le bon monsieur de Lesvenn pleura.

Il avait beau avoir la réputation d'un saint et l'être sans doute, il ne pouvait pas acculer sa famille à la ruine.

Per Terrom le comprit d'ailleurs.

Il allait se lever pour atteler ses chars quand brusquement les yeux

du seigneur da Lesvenn se levèrent, devinrent immobiles.

 

« Monsieur, monsieur !... »

Le seigneur revint à lui.

« Ah! mon pauvre Per Terrom, j'ai vu ton avenir.

Malheur sur malheur.

Tu vas mourir pauvre, tes enfants encore plus pauvres, les petits-enfants encore plus dans la misère. Puis ce sera une remontée spectaculaire, pour les autres descendants... une richesse fabuleuse. »

 

Per Terrom prit un petit moulin qui devait, en d'autres mains, grâce au courage, à l'intelligence créatrice

de ses meuniers, connaître grande vogue : Pont-Ours

 

En ce temps-là, il était pauvre, très peu fréquenté.

Per Terrom se lamentait :

- Me zo bet e Lesvenn

- El leh ma raen bleud eus a vrenn

- Breman oun deut du Bondourz

- D'ober brenn war va ourz.

(J'ai été à Lesvenn où avec du son je fabriquais de la farine.

Maintenant je suis venu à Pontourz pour fabriquer du son, abandonné, seul.)

 

Sa femme mourut, laissant huit enfants encore tout jeunes.

Per Terrom se remarie à une fille de Ploumoguer, s'installe là-bas à Milin-Vihan.

Le malheur l'y poursuit.

Il perd la même année neuf étalons.

C'est la ruine.

Ils vendent la ferme dont ils étaient propriétaires à Kerdavezan en Plouarzel.

Les acquéreurs y feront tôt après une riche découverte : deux auges remplies d'or.

Jamais il n'eut de chance, le pauvre Per Terrom.

Il mourut dans la misère et pourtant toujours éclatait son rire sonore.

Malgré tous leurs efforts ses enfants, ses petits-enfants ne réussirent pas du tout mieux que lui.

 

La prédiction du seigneur de Lesvenn s'est totalement réalisée.

Les descendants actuels de Per Terrom ont fait fortune et leur richesse ne cesse de s'accroître.

Je puis vous garantir qu'ils ont de quoi acheter le château de Lesvenn.

 

Légende ?

Il est des récits historiques qui sont faux et des légendes qui sont vraies.

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