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Chroniques d'un monde paysan à jamais disparu
Louis Conq de Tréouergat raconte ...
 

Source : "Les échos du vallon sourd" de Louis Conq - Brud Nevez

Remerciements à Lucien Conq

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Pont-Prennig, meunier
 

Nul n’a su me dire quand le meunier Claude était devenu le « Pont-Prennig ».

Ce qui est incontestable, c’est qu’il avait une renommée tout à fait exceptionnelle parmi les gens, et je croirais particulièrement parmi les femmes.

 

Toujours pressé, du moins le prétendait-il, tout en faisant ses tournées de portage farine contre grain, comme beaucoup d’autres, le meunier « pondait » des histoires en or.

Il était moqueur, fin limier, quelque peu voleur sur les bords, selon les langues des gens « avares-à-manger-des-poux ».

Il narrait, à sa façon, les nouvelles qui survenaient de-ci, de-là.

Parfois même avant qu’elles n’arrivassent.

 

Pont-Prennig, mais aussi le Kervenig, un meunier voisin, furent sans aucun doute, pendant un certain temps dans leur petit coin de pays, les deux « Radios-du-Bas-Léon »

Spécialement pour ces dames qu’ils trouvaient beaucoup plus souvent à la maison que leurs hommes, au travail dans les champs, les garennes ou les landes.

 

Les chemins étaient encore si mauvais, il y a moins d’un siècle, que le meunier devait faire ses tournées de portage avec le « bât-à-porter », du moins en maints quartiers.

C’était une attelle de cuir large et solide jetée sur la croupe du cheval sur laquelle on chargeait des sacs de grain ficelés deux à deux par l’ouverture.

Un sac pendait de chaque côté de l’animal.

Il s’en allait ainsi, plusieurs fois par semaine, à Keruzoc, à Langüoc ou ailleurs, marchant devant son cheval, ou plus souvent ses deux chevaux.

Ceci dura jusqu’à la guerre de 14, cela à travers des chemins creux très couverts, remplis de grands trous d’eau et de boue en hiver, comme aussi par les sentiers des collines, pleins de poussières et de pierres qui roulent, tandis que trillent avec ardeur des grillons dans la chaleur du soleil de l’été.

 

Un vieux meunier m’a confié récemment qu’il avait, tous les samedis, quarante-cinq arrêts à faire dans sa matinée, avec trois chevaux à sa charrette, avant d’aller avec une part des sacs de farine jusqu’au marché de Saint Renan.

 

Pont-Prenning, lui aussi était constamment sur les chemins.

En plus de son travail de meunier, chaque vendredi, il avait quelques porcs à trucider, puis à accommoder dans diverses fermes.

 

Tueur de cochon, abatteur de vaches, charcutier, « andouilleur », le meunier, l’homme aux mille métiers, faisait en réalité un grand nombre de choses diverses, tant dans les fermes de Tréouergat que des alentours.

Et encore, on le sait bien, raconter nombre de fariboles par-dessus le marché.

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