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Chroniques d'un monde paysan à jamais disparu
Louis Conq de Tréouergat raconte ...
Source : "Les échos du vallon sourd" de Louis Conq - Brud Nevez
Remerciements à Lucien Conq
La récréation à l'école de Tréouergat
Un jour dont j’ai bien gardé vivant le souvenir, je portais des souliers hauts ;
ils me donnaient l’impression de me sentir plus grand.
Je revenais de la Grand-Messe, après avoir été, en compagnie de Maman,
inscrire mon nom sur les registres de l’École dirigée par Madame Guivarc’h.
Cette petite école n’avait qu’une seule classe pour tous les enfants de Tréouergat, petits ou grands.
L’institutrice faisait ce qu’elle pouvait : Les grands aidaient les petits. Et parfois aussi, l’inverse se produisait.
Il n’est pas donné à tout le monde d’être du « premier bout de la semaine » !
Je me souviens, en particulier, du cahier d’Olivier Bossard.
Quel magnifique cahier !
Des vélos dessinés dessus.
Pourquoi des vélos ?
Je ne sais plus.
Mais à mes yeux d’enfants, c’était extraordinaire !
Quand Madame Guivarc’h fut nommée à un poste plus élevé,
nous perdîmes gros.
Elle faisait plier tout le monde.
L’école était au milieu du petit bourg, et pour la récréation,
comme il n’y avait pas de cour, nous avions la grand-route.
Oh ! Il n’y avait pas les dangers d’aujourd’hui.
Bien souvent nous allions béer chez les « sonneurs »
ou chez le forgeron.
C’est presque tous les jours qu’il y avait des chevaux à ferrer.
Que de choses à regarder, à découvrir, à apprendre !
Et puis cette odeur de corne brûlée, lorsque le fer rougi « à blanc » s’appliquait sur le sabot des chevaux !
Ou encore, en bas du bourg, la « cloche au nez », les yeux ouverts comme des berniques, nous regardions les charpentiers-charrons
et forgerons poser les bandages aux roues des carrioles.
Les cerceaux de fer étaient chauffés plus qu’au rouge,
très tôt le matin, dans une immense flambée de tourbe.
Quatre hommes ou davantage prenaient celui qui convenait
avec des tenailles géantes, l’amenaient à bout de bras juste
au-dessus de la roue de bois toute neuve.
Dès que le cerceau était descendu correctement en place,
pour le refroidir et faire serrer à mort l’assemblage des rayons
dans le moyeu : « Vite de l’eau dessus tout autour ! ».
Les enfants étaient autorisés à regarder, mais surtout pas trop près, ou bien on entendait :
« Allez ! Les mousses, hors d’ici ! À l’école ! Vite, on a fait l’appel ! »
C’était tout aussi passionnant de regarder Lom et Toine,
les sonneurs de la Paroisse, menuiser finement une fenêtre,
ou creuser les mortaises d’un moyeu, ou ajuster les rayons
à ce dernier, que ce fût une roue légère de char à bancs aux rayons aussi fins, que les dents d’un peigne à débrouiller les crins
de la queue ou de la crinière des chevaux.
Ils ne faisaient plus d’armoires, nos carillonneurs.
Dommage, car ce devait être du beau travail !
Avant la guerre de 14, les longerons de nos charrettes étaient sciés à bras d’hommes,
sur la Place du Bourg, devant la maison Thépot - Le bureau de tabac.
Mais maintenant, dans les années 20, ce n’est plus la grande scie actionnée dans un mouvement de va-et-vient
par deux hommes.
C’est l’arbre lui-même, griffé solidement sur un chariot, qui s’en va doucement, sur des rails,
vers les scies à ruban tournant sans fin et actionnées par la force de l’eau de l’ancien moulin.